Texte publié dans les actes du colloques Participa(c)tion, Vitry-sur-Seine, MAC/VAL, 2014.
 
 


Le Pommier et le Douglas. Journal de travail (Extrait)

De juin 2011 à la dernière exposition en mars 2013 s’est déroulé le projet «Le Pommier et le Douglas» que j’ai mené à l’invitation de Céline Poulin avec le centre d’art du Parc Saint-Léger à Pougues-les-Eaux. L’invitation consistait à établir des collaborations artistiques avec des personnes fréquentant les centres sociaux de Château-Chinon, Corbigny et Montsauche-les-Settons dans le Morvan. À ceci s’est ajoutée une recherche généalogique sur mes arrière-grands-parents paternels qui avaient vécu dans la même région. Durant cette expérience, j’ai bénéficié d’une formation au collectage et d’un suivi ethnographique de la résidence grâce à la Maison du patrimoine oral d’Anost et, en particulier, à Caroline Darroux. L’aspect fondamental du processus créatif dans ma pratique et dans les pratiques collaboratives en général m’incite à proposer ici des extraits du journal de travail des expériences menées avec les personnes rencontrées dans les centres sociaux.

2/09/11. Partie à 8 h de Paris pour arriver à 18 h à la Maison du patrimoine oral (MPO), à Anost. 280 kilomètres et 10 heures de trajet.

3/09/11. Le collectage est l’ouverture d’un espace de parole, le maillon d’une chaîne de transmission. La nature de ce dernier détermine la forme à lui donner afin de le transmettre à nouveau. La parole, l’écoute et leur mise en forme doivent être assumées collectivement. H., qui participe à la formation collectage, nous dit que l’invention de l’enregistreur est concomitante de celle de la boîte de conserve.

25/10/11. Le directeur du centre social de Corbigny comprend le projet quand je schématise en disant qu’il s’agira de mettre en forme la mémoire. Le directeur du centre social de Montsauche me dit qu’il vient d’arriver, qu’il doit être convaincu, que le «public» adulte du centre social est restreint. Il n’a pas le droit à l’erreur. Moi non plus visiblement.

5/11/11. Pour J.-P., il y a des clans qui se forment. Il y a la matière brute du récit de vie, la réalité, et il y a ceux qui installent une distance parfois démesurée avec ce qui est collecté. Comment ne pas trahir une parole ? Comment rendre la réalité ? Où inscrire l’imaginaire ? Quelle distance par rapport à l’enregistrement ? Que raconter ? Comment raconter ? Pourquoi raconter ? Quelle réflexivité ? Autarcie de collectage, bains de discours et de récits de vie, asphyxie de réalité.