Qui peut nous emmener près du soleil ? 
Là où, selon l’intuition brûlante d’un enfant participant à la résidence en milieu scolaire, il serait possible d’approcher l’endroit idéal pour apprendre et échanger. Marie Preston et Yoan Sorin sont artistes invités cette année, ils sont intervenus auprès de quatre classes des deux écoles primaires d’Embrun, Pasteur et Cézanne. 
 

Qui peut nous emmener pr è s du soleil ?  est une expérience et une exposition collaborative qui sont sous-tendues par la question de la transmission et ses conditions au sein de l’école bien-sûr mais aussi en-dehors, poursuivant l’idée d’une société éducatrice. Marie Preston et Yoan Sorin ont moins défini un cadre qu’imaginer des mises en relation et de nouvelles manières de faire et d’apprendre auprès des autres : les camarades de classes, les enseignants, les familles et tous ceux souhaitent partager leurs savoir-faire.

 

 


La découverte est possible partout, ici comme ailleurs. Les enfants ont ainsi visité Le Gabion, un centre de formation en terre crue situé en périphérie d’Embrun et ils ont été initiés à la pratique de la vannerie par Lucile Bou, une artisane haut-alpine. Il s’est agi de déplacer le regard, créer les conditions du dépaysement par l’apprentissage de gestes nouveaux, l’appréhension physique de matériaux et la mise en commun d’intuitions. Un partage sensible du faire qui a côtoyé, tout le temps de la résidence, des moments d’écriture, de restitutions d’impressions et d’émotions.

 

 

Marie Preston, dont la recherche artistique porte sur les pratiques de co-créatio n, notamment leur lien avec les pédagogies alternatives expérimentées  depuis les années 70 en France, a proposé aux élèves et leurs professeurs de réaliser un journal scolaire sur le modèle de celui imaginé par Célestin Freinet dans la première moitié du XXème siècle. Après avoir adapté les outils professionnels de l’imprimerie aux enfants, le pédagogue avait fait installer le matériel d’impression en classe. Les élèves pouvaient ainsi l’utiliser de manière coopérative et témoigner de leurs activités en cours. 
 

 

Ici, l’artiste et chercheuse a suggéré que le journal se déploie sous différentes formes : des livrets et des affiches, largement distribués et diffusés dans les écoles et la ville le temps de la résidence, puis dans l’exposition sous la forme d’une édition. Parallèlement la radio Ram 05 et le Dauphiné Libéré ont mis à disposition sur leurs supports respectifs des espaces de libre expression. Toutes les semaines, en plus de découvrir les rouages de la presse papier et les studios d’enregistrement radiophonique, les enfants ont livré leurs impressions sur l’expérience menée au plus grand nombre. Ce projet n’avait de sens que s’il débordait du contexte même de l’institution à savoir l’école et le centre d’art. Il fallait faire entendre les voix des enfants hors des cadres qui leurs sont habituellement dédiés et les mêler parmi toutes les autres.

L’exposition Qui peut nous emmener pr è s du soleil ?   contient l’histoire de sa conception, elle a été pensée sur place, à mesure des échanges avec et entre tous les protagonistes du projet.   Avant la résidence, Yoan Sorin n’avait aucune idée préconçue de la forme qu’elle prendrait. C’est d’ailleurs une de ses habitudes de travail, une manière pour lui d’être parfaitement à l’écoute d’un lieu, de son histoire et de celles et ceux qui l’animent. L’artiste se nourrit aussi bien des pratiques artisanales rencontrées que des récits entendus. Il traduit les gestes, les formes et mots des autres en une langue intuitive hybride.

 
 
 
 

À partir des dessins et textes libres des élèves citant régulièrement la cabane dans les bois, le soleil immense et les animaux sauvages comme décor rêvé de leur vie d’enfant, il a construit aux Capucins un concentré de paysage, dans lequel chacun peut projeter ses désirs de nature, de convivialité, de solitude aussi. Un endroit foisonnant, jalonné de ponts, rivières et passerelles comme autant de cheminements possibles de la pensée, parce que l’histoire de cette exposition n’est pas linéaire, parce qu’elle est avant tout animée par le travail de l’imagination dont le terrain est toujours instable, en mouvement. 

Avec Qui peut nous emmener pr è s du soleil ?  Yoan Sorin conjugue le singulier avec le pluriel, à l’image de la grande peinture murale qui rythme l’exposition et réalisée à tour de rôle par tous les élèves de la résidence. Par l’application de quelques délicats liserés de bleus ciel et verts d’eau, l’artiste fait entendre une musique harmonieuse dans le brouhaha charmant et exalté des dessins d’enfants juxtaposés.