Texte paru dans le Mecca Nouement, 2011


“Cuisiner la langue” Sandra Alvarez de Toledo (Extrait). 
 
“Quarante ans, presque un demi siècle, séparent l’expérience résolument a-sociale de Fernand Deligny (1913-1996) dans les Cévennes, de celle menée par Marie Preston pendant trois ans avec des personnes âgées et des enfants de centre de loisirs et de CMPP. D’un côté : les Cévennes, des « aires de séjour » à ciel ouvert et dispersées dans les collines, des abris de branchages, des fours à pain, l’eau puisée à la rivière, les nuits froides, une grande précarité. Un maître à penser, Fernand Deligny, des « éducateurs » (qui n’en sont pas, au sens institutionnel du terme), Jacques Lin, Gisèle Durand et d’autres, une trentaine d’enfants mutiques dans les années 1970, une langue, celle de Deligny. « Singulière ethnie », retour à la nature, utopie communiste et libertaire, matérialisme affiché, franciscanisme déguisé (voir cette photographie de Deligny offrant des pastels à Janmari, autiste). De l’autre : une commande d’un service de retraités de la municipalité d’Ivry et d’un centre d’art, le Credac d’Ivry, à une artiste diplômée des Beaux-arts, soutenue dans sa troisième étape (2010) par une orthophoniste et une assistante sociale, une salle ouverte par de grandes baies vitrées sur un jardin, du matériel informatique, des jours et horaires fixes, des normes de sécurité. Pourquoi, comment Marie Preston peut-elle, dans ces conditions, se recommander d’une expérience qui paraît, comme dirait Deligny, « à l’autre pôle » ?"