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Fête du goémon (Version 2), Marie Preston en collaboration avec Fabienne Dumont, Goulchan Kervala et Françoise Morvan, impressions numériques couleurs et photographie couleur, édition tirée à 15 exemplaires numérotés et signés, 2014-2015
Édition (10 exp) du texte de la lecture performée « Fête du goémon (Version 2) » qui a eu lieu au Quartier le 9 avril 2014. La première version du texte « Fête du goémon (Version 1) » a été écrite par Marie Preston et augmenté pour sa seconde version par Fabienne Dumont, Goulchan Kervala et Françoise Morvan. Le texte met en scène des personnages types de la culture bretonne en train de débattre de l’interprétation festive qui est faite actuellement du ramassage du goémon. Sa seconde version collaborative fut l’occasion de mettre en relief la question essentielle posée par ces reconstitutions : qu’est-ce que les représentations des pratiques anciennes nous disent du présent ?
Disponible à la librairie du Centre d'art du Quartier à Quimper ou sur demande.
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https://vimeo.com/123747811
À propos de la performance
La mer et le panier
La première salle du musée des Beaux-arts de Quimper semble être vouée à énumérer les singularités de la femme bretonne (conformes à une représentation stabilisée depuis le milieu du XIXème siècle). On peut y voir Dahut, Velléda, l’île de Sein, une vierge, une noce, une messe, un pardon et des lavandières. Velléda, le peintre Jules Breton, la veuve et les lavandières retinrent mon attention et me conduisirent à souhaiter les faire dialoguer afin qu’ils deviennent les acteurs critiques d’un discours sur la représentation de ce territoire. Dans cette perspective, je les ai donc réuni à travers un texte « Fête du goémon (Version 1) » qui met en scène quatre personnages débattant de l’interprétation festive qui est faite actuellement du ramassage du goémon, une manifestation estivale ayant lieu dans plusieurs villages bretons.
Ce qui m’a conduit à cette activité est une légende de l’île de Sein (île de Velléda et de la veuve) où il est dit qu’une femme, la nuit, partait sur les flots « vouer à la mer » ses ennemis sur son panier à goémon transformé en barque. Cette femme a priori condamnée à un sédentarisme de genre, par un acte magique, prenait possession d’un environnement exclusivement masculin grâce à son outil de travail.
Chaque personnage du texte tient son rôle. La druidesse Velléda (« celle qui voit ») décrit une vision à la fois naturaliste et documentaire d’une fête du goémon. La veuve du l’île de Sein, engagée pour un réalisme critique s’insurge du manque de véracité de la situation décrite par Velléda en décalage avec à sa propre expérience du ramassage. Jules Breton, poète et idéologue néo-rural salue le travail de reconstitution ethnographique et la dimension festive et esthétisante de l’événement qui propose une alternative séduisante au mode de vie urbain. Enfin, la lavandière, féministe militante critique la folklorisation de l’événement et son instrumentalisation politique.
Ne voulant pas être seule à donner voix aux différents points de vue qui animent cette discussion, j’ai demandé, dans un second temps, à quatre personnes qui me semblaient engagées dans l’actualité ce débat, d’augmenter ce texte de leurs propres points de vue. Fabienne Dumont, historienne de l’art et spécialiste des questions féministes, Goulc’han Kervala, écrivain et metteur en scène de la fête du goémon de Plouguerneau et Françoise Morvan, auteure et observatrice critique de la réinvention de la culture bretonne, se sont prêtés au jeu. Parallèlement, Florence Creac’hcadec de l’Écomusée des goémoniers et de l’algue me présentait Valentine Le Pors, une ancienne ramasseuse de goémons.
Marie Preston, 2015
L'Heure des sorcières // Exposition collective au Quartier à Quimper. Du 1 février au 18 mai 2014 // Commissariat : Anna Colin.
Avec Jean-Luc Blanc, Lindsey Bull, L. Dalliance, Florence Doléac, Camille Ducellier, Mary Beth Edelson, Leon Ferrari, Derek Jarman, Richard John Jones & Max Allen, Latifa Laâbissi, Bruce Lacey, Evariste-Vital Luminais, Ana Mendieta, Anita Molinero, Marie Preston, Olivia Plender & Patrick Staff, Carolee Schneemann & Victoria Vesna, Kiki Smith, Nancy Spero.
Barque sorcière, 2014. Panier en osier, résine, 40 x 119 cm
Denis Colomb, Femme au varech (La récolte des algues), 1952 [Donation Denise Colomb / Collection Médiathèque de l'architecture et du patrimoine]
Du musée des beaux-arts de Quimper à l’île de Sein, de l’île de Sein à la Barque Sorcière, de la Barque Sorcière au ramassage du goémon, du ramassage du goémon à la fête du goémon, de la fête du goémon au musée des beaux-arts de Quimper. Pourquoi le ramassage du goémon, un art de faire est choisi puis folklorisé et intégré ce que l’on appelle la « culture populaire » ? De quelle manière s’élabore « la mise en scène » de cette pratique ? Qu’est-ce que cette interprétation du passé nous dit du présent ? Comment les qualités pittoresques révélées par l’iconographie liée à la fois à cette pratique et à celle de la femme paysanne bretonne de la fin du XIXème siècle invente une culture et fige une identité ?
« Sur l’Ile de Sein, des Sénanes, veuves de leur état, connaissent bien la mer. En compagnie des Esprits des Eaux, elles vont aux Rondes de la Mer tenir conférences et sceller les destins. Elles possèdent tous les pouvoirs pour faire lever le vent, calmer les vagues et danser les dauphins. […] Elles sont les maîtresses de leur embarcation, la Barque Sorcière, ou Bag Sorser. Ce n’est pas une vraie barque ni même un canot. Elle est composée de leurs instruments de travail pour le goémon : la grande panière d’osier à fond bombé et le bâton de goémonier. Elles entrent dans leur panier en s’accroupissant et se servent de leur bâton comme d’un gouvernail. Puis, levant leur tablier, elles appellent le vent et s’éloignent dans la Chaussée. Elles possèdent le don de “vouer à la mer”. » Mémoire de Marie-Thérèse Thymeur